La première fois que je l'ai vu sur scène, j'étais un peu devant à gauche du micro. J'en avais plein les yeux. Il avait commencé par Les Grands Voyageurs. Je vois et entends encore le bruit de ses bottes marteler le rythme du talon sur le plancher. Non loin de moi il y avait deux petits jeunôts; l'un d'eux avait dû se faire offrir l'intégrale pour Noël et qui criait Alaiiiiin, comme d'autres auraient crié Patriiiiick. Nous étions en 1994, c'était à La Médoquine. C'était l'automne, octobre ou novembre, je ne me souviens plus. C'est le premier concert que j'ai fait en solitaire: personne n'avait voulu m'accompagner, certains l'ont regretté.
La deuxième fois que je l'ai vu sur scène, j'étais toujours un peu sur la gauche mais nettement plus loin. J'avais pourtant pris mes dispositions pour arriver tôt, mais d'autres avaient fait mieux. C'était à la même période, l'automne aussi, la même salle. Je me souviens de l'entrée en scène, il avait commencé avec Tel, ça en imposait, un silence religieux, tout le monde retenait son souffle. A coté de moi une groupie passablement excitée s'est mise à crier à trois reprises: UN BISOU!! La première fois il a tourné la tête pour voir d'où cela venait, à la seconde reprise il a repéré le coin, à la troisième, la salle a poussé une "bronca", un soupir collectif agacé, lui a porté la main à ses lèvres, soufflé le bisou en question vers la jeune fille qu'on n'a pour le coup plus entendue, verte de honte, si ce n'est pour présenter des excuses à la fin. Elle avait un peu abusé de la bière et ne savait pas bien ce qui l'avait pris. Nous étions en 2002, ce fût le grand frisson, La Tournée Des Grands Espaces.
Cette fois ci c'est la troisième fois que je le vois à la même époque de l'année, toujours dans la même salle, comme si c'était un rendez-vous. Oui je suis là, comme pour venir rendre visite à un ami. Toujours sur la gauche mais j'ai cédé davantage de terrain, je suis au milieu de la salle près de la sono. Pris malgré moi dans un embouteillage qui n'en finit pas, quand je vois la queue sur le trottoir je me fais à l'idée que je ne serai pas au pied du micro. L'homme arrive, le pas lent, le dos voûté, dans un long manteau noir, des Ray Ban à la Blues Brothers et un borsalino vissé côté droit. Quelques mots très simples comme toujours, au programme, des chansons qu'on connaît déjà et des nouvelles, il nous souhaite un bon voyage. Ca commence assis sur un tabouret, par un morceau de Manset, Comme Un Lego. La mission est délicate, défendre le mal aimé Bleu Pétrole. Et voilà, sa présence, sa voix, il nous ferait avaler n'importe quoi. Il profite de la brèche pour en placer deux autres, Je T'ai Manqué, Hier A Sousse. Une bonne partie du disque y passe, dans le désordre, Vénus, Sur Un Trapèze, Je Tuerai La Pianiste. Tant De Nuits, ma préférée, n'a pas été jouée, dommage... Le geste est rare, la tension monte, un coup d'harmonica de temps à autres.
En deuxième position, toujours en embuscade, c'est Fantaisie Militaire et ses déflagrations qui prend la relève avec les toujours redoutables Mes Prisons, Samuel Hall, Fantaisie Militaire donc, La Nuit Je Mens, et Malaxe qui conclut le show. Osez Joséphine, Madame Rêve et Happe qui ressurgit où on ne l'attendait pas, pour cet album là. Deux titres tirés de Chatterton, J'Passe Pour Une Caravane et A Perte De Vue dont on était sans nouvelle depuis bien quinze ans. Mes Bras seul représentant de L'Imprudence, le silence que cette chanson impose accentue les moindres bruisements des instruments, les impasses/les grands espaces, la douceur d'un blindé/le remède à l'oubli. D'autres titres plus anciens, Volontaire, Légère Eclaircie et ses nuages menaçants, Vertige De L'Amour. Seul véritable inédit, une reprise, Everybody's Talking, Harry Nilsson, Macadam Cowboy (la chanson est de Fred Neil à l'origine, faudrait pas l'oublier non plus). Et un duo avec Chloé Mons, une chanson de son disque Calamity Jane.
Un seul rappel qui se conclut par Malaxe donc, quelques mots tout simples: j'aimerai vous présenter mes musiciens... merci à tous les techniciens et créateurs de cette tournée... et... merci à vous. Il part d'un pas de côté et disparaît d'où il était venu.
Merci à toi, mon gars.
Bashung, La Médoquine, 6 novembre 2008
6 commentaires:
Oh j'adore "Happe"...
J'ai lu ce billet comme si je marchais dans les rues vers la médoquine.J'habitais à dix minutes.j'y allais à pied depuis la barrière St Genès...
Ton post c'est de la madeleine! même si je n'ai jamais vu Bashung sur scène.
Rendez vous manqués (se dérober, se détacher...sans laisser d'auréoles)
Merci, c'est gentil. J'ai passé mes premières années bordelaises du côté de la Barrière de Pessac, pas bien loin non plus. Et quand pris dans cet embouteillage pour remonter la rue de Pessac et le Cours du Maréchal Galliéni, je repensai à ces années où j'arpentais ces rues à pied allant souvent bien plus vite que les automobilistes bloqués.
Bordeaux en bagnole c'est épouvantable. Première/seconde touche touche, je ne m'y habituerai pas.
Oui Happe me touche toujours beaucoup, tout comme le reste de l'album comme je le racontai le mois dernier.
Merci du compte rendu. Quelle.Chance.
Oohh!! MissBett in person!!
Et dire que toi pendant c'temps là, douze lessives la s'maine... Belle performance, néanmoins!!
Douze lessives, oui, mais... en musique ! Faites monter !
A la centrale
Y a carnaval
Java javel
Cerveau vaiselle
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