Time Fades Away

vendredi 10 octobre 2008

Peu à peu tout me happe

J'ai pris un billet pour Bashung, qui passe à Bordeaux en novembre. Même si je sens venir la possible déception, tant les autres fois, j'en suis sorti transporté. Même s'il y a de belles choses sur Bleu Pétrole, je n'ai pas à mon grand regret la même fascination pour ce disque que pour les précédents. Je garde toujours un fort souvenir de la tournée qui suivit Chatterton et surtout de la Tournée Des Grands Espaces que j'ai vu à deux reprises, en 2003 au tout départ en version intégrale, et en 2004 en version festival, raccourcie et sans le décors. Une vieille histoire, un truc complètement enfoui, a refait surface. Le premier album de Bashung que j'ai eu et qui a marqué le début de mon indéfectible admiration et fidélité, c'est Osez Joséphine, fin 1991, oui je sais c'est pas très original, c'est un de ses plus gros tubes. Les circonstances qui m'ont conduit a ramener cet album à la maison sont plus obscures.

La fenêtre de mon petit studio de l'époque avait non seulement pour inconvénient d'être plein nord mais aussi d'offrir un vis à vis tel que si vous ouvriez la fenêtre vous donniez directement dans la pièce du voisin, pour peu que celui-ci ait eu l'idée d'en faire de même. Cela laissait place à une intimité particulière. Et l'on vivait ainsi l'un chez l'autre sans trop le vouloir. Il s'appelait Pascal, ou peu importe, il était en instance de divorce, avec deux gamins, ce qui l'avait conduit là, dans cette garçonnière. Il avait beaucoup d'amis et pas mal de monde séjournait chez lui. Un de ses amis Hadj, ou je ne sais plus bien ma mémoire me joue des tours, venait du Maroc, passait quelques semaines ici. Par une après-midi ensoleillée de septembre, je rentrais chez moi, ouvrais la fenêtre, Hadj était là, il était seul, nous avons commencé à bavarder, puis je lui propose de venir prendre le café. Chez moi nous discutons un bon moment, plaisantons, rions, puis à ma grande surprise, il me prend la main. J'avoue ne pas m'attendre à ça de la part de cet homme athlétique. Et mon trouble est encore plus grand quand il se rapproche un peu plus de moi pour m'embrasser. Je me souviens de ses yeux verts, de sa peau mate et douce. L'échange fut bref, car au moment où je découvrais qu'il bandait ferme, il eut un mouvement d'effroi, en regardant par la fenêtre, il s'aperçut que son hôte était revenu, et n'avait qu'une crainte: qu'il nous ait vu. Il se rhabilla à la hâte et rentra chez lui.
Quelques jours plus tard, on se croise, on bavarde et il m'explique qu'il est dans une merde noire. Il doit rentrer au Maroc rapidement mais ne peut le faire, une histoire de papier. En attendant, il se retrouve ici, seul, Pascal tentant de renouer plus ou moins avec sa femme, et sans argent. Il me demande de le dépanner, qu'il me remboursera au plus tôt. A l'époque jeune étudiant, je lui prête un Montesqieu, ne pouvant pas le laisser comme ça. Une petite voix me dit toutefois que ce n'était jamais que la deuxième fois que je le rencontrai et qu'il vaudrait mieux ne pas aller trop loin. Afin d'éviter une sollicitation nouvelle, je passais moins de temps chez moi. Un jour d'octobre, je me rends compte qu'Hadj n'est plus là, disparu, envolé, plus personne dans l'appartement d'en face. Courant novembre, je croise Pascal dans le couloir, je prends de ses nouvelles et en profite pour en demander quelques unes d'Hadj et de mes deux cents balles par la même occasion. Alors Hadj, il est parti et ah bon, tu lui as prêté du fric? Tout cela semble mal barré et je ne reverrai probablement ni l'un ni l'autre, pensais-je.
Jusqu'à cette après-midi froide et brumeuse de janvier. C'est complètement par hasard alors que je rentrais chez moi que je tombe nez à nez avec Hadj. Il me sourit, il est en Allemagne et est venu passer quelques jours ici avec sa fiancée, qui l'accompagne, elle aussi tout sourire. Je lui glisse au cours de la conversation, que ça m'arrangerait bien de rentrer dans mes fonds. Un moment plus tard le voilà qui sonne. Je l'invite à monter, il émet des réticences, un peu gêné, il n'est pas seul. J'insiste, il obtempère. C'est à l'endroit même ou quelques mois plus tôt nous étions l'un contre l'autre, qu'il me remet le Montesquieu, au bras de sa compagne. La rencontre ne s'éternise pas. Juste après qu'ils soient partis, je retournais en ville, ne pouvant rester en place, ni garder ce billet en l'état, c'était plus fort que moi, comme s'il me brûlait les doigts. C'est au Virgin Mégastore que je fis étape, et j'achetais, sans envie particulière, mais sans pouvoir m'en empêcher non plus, un disque, le premier venu, pour cent quatorze francs, je me souviens de l'étiquette. Ce fût Osez Joséphine.



Bon ok, le clip karaoké made in Taïwan, moyen, mais c'est une de mes préférées...



Plus Mondino et plus dans l'esprit de la pochette de l'album très directement inspirée du Blow Up d'Antonioni, Volutes, deuxième version, celle du single, et qui a remplacé la version originale sur les réeditions de l'album par la suite.

3 commentaires:

KMS a dit…

Ah c'est une belle histoire.
Mon premier Bashung c'est Pizza, 10 ans plus tôt, Vertige de l'amour...

Arty a dit…

KMS m'a enlevé les mots de la bouche. Quelle belle histoire...

Solitary Man a dit…

KMS>
Dix ans, ah c'est bien normal, nous n'avons jamais que dix ans d'écart... A cette époque là, de Gaby O Gaby, petit garçon que j'étais, Bashung était perçu, par chez moi, comme un type plutôt bizarre. J'aimais bien déjà le côté à côté de ses pompes et hypochondriaque.
Je crois qu'il y a un seul album que je n'arrive pas à écouter c'est Passé Le Rio Grande, et dois-je l'avouer, j'ai toujours préféré Pizza à Play Blessure.

Arty>
Belle histoire... Humm... Avec la discographie de Bashung: OUI!