Time Fades Away

vendredi 29 février 2008

Hommelettes norvégiennes

Ne pas s'arrêter, ne surtout pas s'arrêter. Ne pas partir trop fort, faire attention au souffle, ne pas trop forcer, on a laissé la montre à la maison. Juste histoire de voir si j'ai pas trop rouillé, si je tiens encore la distance, si je fatigue pas trop vite, si j'arrive à retrouver des sensations. J'avais dit que je reprendrais la course en février, j'ai tenu parole. Il s'en est fallu d'un rien pour que ça capote. Ça n'a tenu qu'à cette journée supplémentaire, que j'avais Dieu merci chômée. Tous les quatre ans, un 29 février, une journée de plus, qui rallonge l'hiver. Je n'ai jamais aimé les années bissextiles.

Il faisait beau pourtant, le soleil me caressait quand je courais. Un peu bas, pas trop chaud, une douce sensation de chaleur qui m'accompagnait dans ma foulée et de temps à autre un nuage lui passait sous le nez. La lumière était claire, pas trop aveuglante, un peu comme sur cette photo du premier album de Minor Majority. Quelque part entre Neil Young et les Tindersicks, une musique fragile et délicate, une voix pleine et chaude.

Il viennent de publier, il y a deux semaines, une compilation Candy Store de leurs trois premiers albums et du premier EP. Mais tout l'intérêt réside dans le deuxième disque qui regroupe une bonne dizaine de titres inédits, de la même qualité. J'aime beaucoup ces Norvégiens. Ils sont publiés en France par un petit label bordelais, Vicious Circle. Et ils ont au moins à leur actif un véritable chef d'oeuvre, Up For You & I, paru ici en mai 2004.

La Norvège toujours, avec un autre de mes petits protégés, Thomas Dybdahl, dont va sortir la semaine prochaine le deuxième album de The National Bank Come On Over To The Other Side, un de ses nombreux side projects. Et par le plus pur des hasards, je suis tombé tout l'heure sur Stray Dogs son deuxième album chez Glitterhouse, sorti chez nous en avril 2005, que je cherchais depuis un moment et qui devient plus difficile à trouver. Thomas Dybdahl qui lui aussi a à son actif deux vrais chef d'oeuvres: That Great October Sound (août 2004) et Science (octobre 2006). Je voulais illustrer tout ça d'un ou deux clips, mais Your Teub se montre capricieuse ce soir, la vilaine. Vous perdez pas au change, je vous ai dégoté un concert entier de la tournée Science. Viendrez pas dire qu'on vous bichonne pas ici, après!!

mardi 26 février 2008

Demain, j'ai peinture

Demain pour la cinquième fois en quatre semaines, j'ai à nouveau les peintres à la maison. Ce ne sera pas probablement pas la dernière fois. Un mercredi matin, il y a quatre semaines, les voilà qui débarquent motivés pour remettre une couche aux plafonds et murs touchés par un dégâts des eaux, dont on n'a toujours pas pu déterminer avec certitude l'origine, mais qu'on a attribué par commodité, moi le premier, l'expert en second, à mon voisin du dessus. Moi le premier parce que, voyant de l'eau au plafond et sur les murs, je lève les yeux et m'inquiète de qui habite au dessus. L'expert en second, parce que les dégâts étant modestes, déclarer mon voisin du dessus coupable ne l'engageait à rien, le montant des travaux étant inférieur à un certain palier, c'est mon assurance, par convention, qui prend les réparations en charge.

Ce premier matin, très motivés qu'ils sont, ils commencent à examiner de plus près et découvrent que, oh pas de chance, ce sera plus grave que prévu. Que redonner un coup de pinceau ne suffira pas, qu'ils ne peuvent pas garantir que simplement recoller la tapisserie passera inaperçu et sans conséquence puisque dès qu'ils la touchent, elle leur reste dans les mains. Ennuyeux. Me voilà à passer la matinée au téléphone, entre l'asurance, le cabinet d'expert, l'entreprise de travaux. Je parviens à faire redéplacer l'expert dans la matinée, qui m'accorde de retapisser la cuisine tout du moins. La matinée est déjà bien entamée, tout le monde s'en va. Rien n'est fait.
L'après-midi, ils en mettent un grand coup. Me repeignent le plafond du séjour dans son intégralité, alors que seule une partie de 20 cm² est tachée, mais que voulez- vous, c'est comme ça qu'il faut faire. Après, il faut laisser sécher... Ils en profitent pour me détapisser la salle de bain, allant contre les ordres de l'experts, mais préfèrent procéder ainsi et passer un coup de peinture sur les murs à la place de recoller les 20cm² de tapisserie qui baillent. Pourquoi pas? Ce sont eux les pros. La journée est déjà finie, on convient de se revoir la semaine suivante, un vendredi.

Je prépare tout, je dégage les pièces pour qu'ils puissent travailler à l'aise. La salle de bain, ça va vite, la cuisine, ça prends déjà un peu plus de temps. Et j'entreprends un grand nettoyage de printemps en les attendant. En milieu de matinée, ayant significativement avancé dans mon décapage, je commence à m'inquiéter de leur absence, et m'en vais contacter l'entreprise. Mon bon monsieur, on vous rappelle, mon bon monsieur, il y a eu contre ordre, ils se sont attardés sur un autre chantier, mais seront chez vous dans l'après-midi sans faute. Ils arrivent enfin, peignent le plafond de la salle de bain, sans toucher aux murs pour le moment, se mettent à détapisser la cuisine. Puis il faut laisser sécher... et s'en vont. L'après midi est foutue. On convient de se revoir le mercredi suivant.

Ce matin là, c'est la bonne, enfin j'espère. Je me lève aux aurores une fois de plus. Je commence à maîtriser la façon de dégager les pièces, c'est l'affaire d'une demi-heure. Ah! Les voilà. Ils me donnent une deuxième couche au plafond de la salle de bain, une première sur les murs, une au plafond de la cuisine. Et puis il faut laisser sécher, mon bon monsieur. Puis on n'a pas encore la tapisserie. On verra la prochaîne fois. Je suis libre pour 10 heures du matin. On convient de se revoir vendredi dernier.

Je suis rentré tard, ou tôt, 1 heure du matin c'est déjà... tôt. L'idée de devoir vider les pièces une fois de plus commence à me courir sur le haricot. Mal réveillé, la bouche un peu pâteuse, je commence par le plus simple, la salle de bain, j'aurai bien le temps de vider la cuisine à nouveau, le temps qu'eux s'y mettent. La salle de bain est sur le point d'être finie, qu'on me fait comprendre qu'il y a un problème avec la tapisserie de la cuisine, qu'on ne sait pas où elle est et qu'on s'arrêtera là probablement pour le moment. Bien m'a pris ne pas vider la cuisine par avance! Zêlé, il commence à se démener à grand coup de téléphone. Normal que personne ne l'ait la tapisserie: personne ne l'a choisie! Il se propose d'aller me chercher des catalogues à l'atelier pour ce faire, qu'il aille la récupérer à l'entrepôt et c'est reparti comme en quarante. Sauf que, quand il revient, les mains vides, personne n'a les papiers pour le paiement, et de nouveau coup de téléphone entre l'assurance et l'entreprise pour démêler l'imbroglio. La matinée y passe, on convient de se revoir... ce qui sera demain!

Entre temps il passe me porter les catalogues que j'ai feuilleuté, dix minutes en tout, pour choisir le truc le plus passe-partout possible. Donc demain, je ne sais pas ce qu'il va se passer. Mais je ne pense pas, par avance, leur préparer les lieux, ne sachant quel nouveau contre-temps sera à l'ordre du jour.
Passionnant non? Avec ça, comment ne pas croire à cette idée reçue que les artisans sont débordés, et faire des pieds et des mains pour les voir à l'oeuvre.

dimanche 17 février 2008

Blue

Depuis quelques jours c'est Blue qui a les honneurs. C'est sur la discographie de Joni Mitchell que je me penche. Mais cette fois-ci, plutôt que d'opter pour dix albums d'un coup, et éviter de froler l'indigestion, c'est au coup par coup que je me la fais distiller.
C'est par Blue que j'ai commencé. Et à la première écoute de ce qu'on lit partout comme le chef d'oeuvre, je n'ai pas pu m'empêcher de plisser les yeux, pour atténuer ce qui arrivait à mes oreilles. Je m'attendais à quelque chose de plus doux, de plus sensuel, de plus mélancolique. Il n'a fallu que deux ou trois écoutes pour passer outre la voix aigrelette, suraigüe, ce côté institutrice appliquée, la production datée et très early eventies. Blue a été publié en juin 1971. Il dure un peu plus de 34 minutes, rien à jeter dessus. A partir de l'année suivante, avec For The Roses, Joni Mitchell entame une mue, les vocalises stridentes s'atténuent, l'accompagnement s'étoffe.
La suite selon les prochaines livraisons.
Deux extraits, sortis d'un Johnny Cash Show, histoire de vous faire grincer les dents et boucher les oreilles.



Ce matin, c'est le disque que j'ai choisi pour commencer la journée. Un peu plus tard dans la matinée, bonne surprise, je mettais la main sur un exemplaire du vinyl américain, pochette gatefold, en parfait état. Plutôt rare.

jeudi 7 février 2008

Il n'y a pas d'amour heureux

"Il y a une passion si dévorante qu'elle ne peut se décrire. Elle mange qui la contemple. Tous ceux qui s'en sont pris à elle s'y sont pris. On ne peut l'essayer, et se reprendre. On frémit de la nommer: c'est le goût de l'absolu. On dira que c'est une passion rare, et même les amateurs frénétiques de la grandeur humaine ajouteront: malheureusement. Il faut s'en détromper. Elle est plus répandue que la grippe, et si on la reconnaît mieux quand elle atteint les coeurs élevés, elle a des formes sordides qui portent ses ravages chez les gens ordinaires, les esprits secs, les tempéraments pauvres. Ouvrez la porte, elle entre et s'installe. Peu lui importe le logis, sa simplicité. Elle est l'absence de résignation pour ce qu'elle a pu faire faire aux hommes, pour ce que ce mécontentement a su engendrer de sublime. Mais c'est ne voir que l'exception, la fleur monstrueuse, et même alors regardez au fond de ceux qu'elle emporte dans les parages du génie, vous y trouverez ces flétrissures intimes, ces stigmates de la dévastation qui ont tout ce qui marque son passage sur des individus moins privilégiés du ciel.
Qui a le goût de l'absolu renonce par la même à tout bonheur. Quel bonheur résisterait à ce vertige, à cette exigence toujours renouvelée? Cette machine critique des sentiments, cette vis a tergo du doute, attaque tout ce qui rend l'existence tolérable, tout ce qui fait le climat du coeur. (...)

Pourtant si divers que soient les déguisements du mal, il peut se dépister à un symptôme commun à toutes les formes, fût-ce aux plus alternantes. Ce symptôme est une incapacité totale pour le sujet d'être heureux. Celui qui a le goût de l'absolu peut le savoir ou l'ignorer, être porté par lui à la tête des peuples, au front des armées, ou en être paralysé dans la vie ordinaire, et réduit à un négativisme de quartier; celui qui a le goût de l'absolu peut être un innocent, un fou, un ambitieux ou un pédant mais il ne peut être heureux. De ce qui fait son bonheur, il exige toujours davantage. Il détruit par une rage tournée sur elle-même ce qui serait contentement. Il est dépourvu de la plus petite aptitude au bonheur. J'ajouterai qu'il se complaît dans ce qui le consumme. Qu'il confond sa disgrâce avec je ne sais quelle idée de la dignité, de la grandeur, de la morale, suivant le tour de son esprit, son éducation, les moeurs de son milieu. Que le goût de l'absolu en un mot ne va pas sans le vertige de l'absolu. Qu'il s'accompagne d'une certaine exaltation, à quoi on le reconnaîtra d'abord, et qui s'exerçant toujours au point vif, au centre de la destruction, risque de faire prendre à des yeux non prévenus le goût de l'absolu pour le goût du malheur. C'est qu'ils coïncident, mais le goût du malheur n'est ici qu'une conséquence. Il n'est que le goût d'un certain malheur. Tandis que l'absolu, même dans les petites choses, garde son caractère d'absolu."

Louis Aragon - Aurélien. 1944.

Ca démarre par un uppercut:
"La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide."

Paris, novembre 1921. Revenu de la Grande Guerre, Aurélien, trentenaire célibataire, mène une existence oisive, vit de ses rentes, fréquente le beau monde et le milieu surréaliste, passe des soirées avec les anciens du régiment, ses nuits au bar de divers cabarets entre Montmartre et Pigalle, se fait vaguement draguer à l'occasion à la piscine municipale. Puis il tombe amoureux, une femme mariée, quelques mois qui bouleversent totalement le cours de son existence.

dimanche 3 février 2008

La ferme

Je ne parle pas. Pas toujours. Pas tout le temps. Pas souvent. Je me tais la plupart de temps. Parce que je ne sais pas quoi dire. Parce que le son des mots mis bout à bout, le sens des phrases, soudain s'effacent. Parce que je suis fatigué et qu'on ne peut plus rien tirer de moi à moins de fermer les yeux un instant. Parce que j'ai trop pris sur moi, parce que j'ai eu l'impression d'avoir perdu mon temps. Où galopent mes pensées? Le plus souvent vers de la musique en continue, des scènes, des bribes de phrases, des paysages, des souvenirs, des gens que j'aime: du rêve, pas du concrêt, rien, non rien qui ne colle avec le quotidien. Parce que c'est le quotidien qui finit lentement mais sûrement par nous faire la peau.
Je n'arrive pas toujours à dire les choses, il m'est plus facile de les écrire. Plus facile de choisir les mots. Il ne font pas le même bruit, n'ont pas la même portée. Et quand j'écris, c'est que je n'en peux plus, c'est qu'il faut que ça sorte. Je me souviens d'une phrase de je-ne-sais-quel-bouquin de Comte-Sponville qui disait à peu de choses près: quand on écrit c'est qu'on ne peut plus se taire. Un écrit ça se retouche, ça se rature, ça se retravaille avant de se livrer. Ca se met à la corbeille au besoin.
Le silence fait peur. Il décontenance, déstablilise. Parce qu'il est perçu comme le vide par qui ne sait l'entendre. Il est des silences inquiétants alors. Les miens sont pleins, ma petite cervelle qui bouillonne en permanence, sans un bruit. Et j'écoute. Tout le monde parle, sans cesse, un bruit de fond continu, et personne qui n'écoute au bout du compte. La ferme! Il faut trier dans la masse d'information, souvent pour n'en rien tirer. Un silence aurait mieux fait l'affaire. C'est beau quelque fois un silence. Etre là, être deux, ou plusieurs, être ensemble, un peu de musique au besoin, ne rien se dire, se comprendre, avoir l'impression d'avoir partagé un tas de choses importantes.