Time Fades Away

vendredi 27 février 2009

Interlude


Fixez bien l'image. Ou plutôt regardez là en vision périphérique pour mieux apprécier l'effet d'optique. Déjà vous avez un aperçu de ce que vous allez entendre...
C'est pas compliqué j'en suis gaga. Je ne suis pourtant pas un spécialiste d'Animal Collective, mais je suis abasourdi à chaque écoute de Merriweather Post Pavilion. Je me le passe en boucle dans la bagnole, voir le paysage défiler en rythme, le pied qui appuie discrètement sur l'accélérateur. Plein de choses remontent à la surface du Pink Floyd de The Piper At The Gates Of Dawn au Beta Band.

mercredi 25 février 2009

La mécanique des fluides

Jeune Belgique IV est sorti. C'est la mer qui est à l'honneur cette fois-ci. Sa diffusion devenant plus confidentielle, allez donc demander le votre, si vous ne l'avez pas encore, chez jeunebelgique(at)gmail.com. Et Nob Wat en grande forme de nous parler de "L'Amour A La Plage", des étés de jeunesse. Avec cette question centrale, pourquoi plus la plage que la campagne ou la montagne? Réponse:

"Car il y a dans l’horizon étal de la mer comme une ouverture, une mise à plat de tous les possibles offerts, et dans l’étendue de la mer comme un écho physique aux eaux troubles que traversent les adolescents et à ce départ qu’ils prennent – car enfin, ils prennent réellement la mer. Un rappel, aussi, de l’étourdissante indifférence de la nature pour l’homme, qui se croit et se place pourtant au centre de tout."

Waouhh!!


Trempés nous voilà d'un coup plus léger, au contact le plus étroit avec le liquide, on obéit alors à des lois différentes: la poussée d'Archimède. A la merci du moindre courant, de la moindre déferlante, la voilà, "l'étourdissante indifférence".
Hors de l'eau nous avons froid, faim, sommes un peu fatigués du bain. Vient le plaisir lascif de s'étendre sur le sable qui épouse on ne peut mieux la silhouette. Pour peu qu'un rayon de soleil ne vienne vous réchauffer, la sensation de faim peut se faire oublier en s'assoupissant.
Reste le goût du sel sur la peau, le plaisir des yeux, celui des corps dénudés à la ronde.

Cet hiver n'en finit pas. Je me trouvais là sur la dune un peu à l'écart de ceux qui faisaient promenade post-prandiale dominicale. Je m'étais mis à l'abri du vent, j'écoutais l'océan aller et venir, bercé de sa musique. J'aurais aimé être dans ce léger état second, pour se laisser aller à la rêverie. Hélas ce n'était pas le cas. J'étais assis sur ce que de plus haut on doit voir comme une mince bande de sable, frontière entre le sec et le mouillé, l'inertie du sol et la mécanique des fluides. Face à l'étendue, on est si frêle. Impuissant j'ai rebroussé chemin.

jeudi 19 février 2009

Cache-cache

Je devais le faire après le concert. Je m'étais dit que je le ferais, si je ne te voyais pas, si je ne te l'avais pas dit de vive voix, un petit message. Deux mots pas plus, pour dire que j'avais pas oublié, juste pour dire que j'avais pensé à toi tout d'aujourd'hui, même si je ne suis pas sûr d'être prêt pour te revoir. Te dire que j'étais toujours vivant et voir si tu l'étais aussi. Que j'avais un peu changé et que j'étais heureux depuis que l'on s'est quitté. Que j'espérais de ton côté qu'il fût de même. Puis il était tard, je suis resté papoter, puis autant le dire j'ai complètement oublié.

J'ai pris des risques. Celui de te croiser. Toujours cette ambiguité: seras là, seras pas là. Peut être y étais tu mais je n'ai pas vu. J'ai scruté autour de moi, un peu malgré moi, il semble que tu n'étais pas là. Pourtant tu savais que je viendrais, ou tu devais t'en douter. Rien ne sert d'éviter, ni de se priver, alors je suis venu. Je me gare presque devant chez toi et tu ne le sais même pas. Tindersticks ce soir, Calexico deux semaines auparavant, Elysian Fields ce sera pour dans trois semaines à présent. Tous ces disques qu'on a écouté ensemble, et qu'on a vu plusieurs fois pour la plupart, excepté Calexico c'est vrai, on les avait vu en dvd eux. Ce dvd que j'ai tôt fait de reprendre puisque que j'avais compris, je savais que je n'étais pas prêt de remettre les pieds chez toi.

Impossible d'écrire une ligne sur ce concert de Calexico. Pourtant qu'est-ce que c'était bien. Mais j'ai toujours du mal à écrire sur leur musique. Je me sens bien avec, elle diffuse de la tête au pied, je la ressens direct. Oh je pourrais vous dire que j'ai trouvé très chic leur façon d'accompagner leur guitariste qui assure leur première partie, en toute simplicité. Je pourrais vous dire que j'étais devant Paul Niehaus et sa pedal steel, ce nom qu'on croise sur les disques d'Iron And Wine, Bonnie'Prince'Billy et Lambchop pour ne citer qu'eux. Je pourrais vous dire que j'ai tenté de résister mais que c'était plus fort que moi, d'abord de la tête dodeliner, puis suivre le tempo en tapant du pied, puis tout le corps a suivi et s'est mis à vibrer.

Quelques photos ici, même si elles n'ont pas été prises par moi, ni ce soir là.
Une photo, la mienne, celle de la setlit que Joey Burns me tendit. Quelques modifications si on la compare avec ce qu'ils ont effectivement joué, ici. Black Heart était prévu au programme. Lui aussi devait jouer à cache-cache.

lundi 9 février 2009

La fièvre du samedi soir

Quelque chose a changé. Je suis pourtant au même endroit, comme je me mets toujours, un peu sur la gauche, devant. Mais ce n'est pas comme d'habitude: la disposition des instruments sur la scène, la batterie n'est plus au fond au centre mais sur le côté droit à découvert. Je ne reconnais plus les silhouettes. Deux viennent se mettre devant moi, là où d'habitude il n'y en a qu'une. Ils portent pourtant le costume noir, avec une fine et discrète rayure, très élégants. Les autres arrivent: le clavier est le même, le guitariste aussi, puis le chanteur, il a un peu changé lui aussi. Il a du mal a cacher des rondeurs, sa veste est trop petite, mal taillée, de piètre tenue, sur un jean. Plus de costard donc. Je n'ai rien contre mais il semble plus sorti d'un foyer de travailleurs sociaux qu'autre chose. De toute façon, il n'a jamais été un play-boy, et porter des costumes taillés sur mesure pour épater faisait partie du show à l'époque.


Quelque chose a changé, on le savait pourtant, la séparation, le divorce peut-on même parler, la moitié de la formation d'origine n'est plus là, trois personnes sur six, la moitié de l'effectif: la section rythmique, basse batterie, et le violoniste. Les Tindersticks ont publié fin avril un nouvel album avec cette nouvelle formule, regroupée autour de Stuart Staple, tête pensante, David Boulter, clavier et Neil Fraser, guitariste. Ce nouvel album The Hungry Saw qui a globalement été bien acceuilli, leur a permis de retrouver l'inspiration et donner une nouvelle fraîcheur à leurs compositions. C'est ce disque qu'ils sont en train de défendre. En poussant le soin de le jouer dans sa quasi intégralité et dans l'ordre, interludes compris, pour bien en souligner l'importance. Quelques morceaux plus anciens ressurgiront ça et là pour faire diversion.

Quelque chose a changé. Ca se passe là, sous mes yeux, dans mes oreilles, dans ma tête. Ces deux musiciens devant moi à la place de Dickon Hinchcliffe violoniste envolé. L'un des deux, petit, Terry Edwards, le trompettiste, invité régulier et fidèle depuis les tout débuts, se tient droit comme un i. L'autre, plus grand, alterne le barytone sax et le violoncelle. Il a le cheveux ras, le regard perçant, un jonc au poignet, des bagouzes à chaque doigts ou presque, et fait des oeillades, je ne sais pas bien à qui entre moi ou mon compagnon de virée. Mais le violoncelle, dans ses notes les plus aiguës, ne remplacera jamais le violon. Et revient le fantôme de la frêle silhouette de Dickon, contractée, courbée sur l'instrument, l'oreille attentive à chaque note qu'il en jouait et qui donnait toute sa signification, toute sa facture à leur musique, toute l'émotion. Je me rends à l'évidence que tout ça ne sera plus jamais là, face à la décontraction ambiante, allant de temps en temps jusqu'à la désinvolture, des nouveaux musiciens.


Les Tindersticks se sont probablement approchés de la perfection avec leurs trois premiers albums, trois doubles albums qui plus est, chose unique il me semble dans l'histoire de la pop. Ils avaient une idée et une exigence très précise. Ils s'y sont employés. Tout ça, cet état de grâce, ce miracle, ne peut être éternel. Voir ce soir le groupe prendre un nouveau départ a à la fois quelque chose de rassurant et d'inquiétant, sur les anciens morceaux notamment. Car non seulement ils doivent sacrifier une bonne partie de ceux aux arrangements de corde trop caractéristiques, mais il manque aussi l'essentiel, la flamme qui habitait leur musique: la tension qui montait à mesure que le morceau avançait, et qui donnait l'ivresse, la ferveur, le frisson, et grisait les sens. La nouvelle section rythmique joue plus lâche, donne malgré elle l'impression de traîner un peu la savate sur She's Gone, City Sickness, et j'ai entendu des versions plus enflammées de Say Goodbye To The City, qui garde néanmoins son dynamisme par sa rythmique répétitive et syncopée.

Quelque chose a changé, sur la fin. Stuart laisse échapper deux mots, il est lui même surpris d'avoir réussi à interpréter le set dans son intégralité parce, si on ne s'est aperçu de rien quand il chante, il est méchamment enroué. Retour en arrière pour les deux derniers morceaux du rappel, Her comme par miracle retrouve sa fièvre puis, les premières notes de xylophone, My Sister, que le groupe, appliqué comme jamais, poursuit ad libitum, et comme on aurait aimé que ça ne s'arrête jamais.

Ce qui a changé: quinze ans se sont écoulés entre ce soir et la première fois que je les ai vus, la tournée du premier album. Quinze ans...


Tindersticks, Le Krakatoa, Mérignac, le 7 février 2009