Time Fades Away

lundi 2 août 2010

Initiation

C'était il y a une bonne vingtaine d'année maintenant, un de mes camarades de lycée essayait de me faire partager son enthousiasme pour le jazz. Je ne sais pas pourquoi je dois avoir un tête à écouter du jazz. Une fois déjà j'étais resté sans quoi répondre à la bibliothèque municipale, quand toujours lycéen, en tamponnant savamment la date de retour sur la fiche bristol, le type me dit: Vous écoutez du jazz... Non monsieur.
Un de mes camarades de lycée disais-je a bien essayé de me convertir à cette musique, cette fascination pour les meilleurs musiciens du monde, d'excellents techniciens sans aucun doute, mais qui jouaient quelque chose qui ne me parlait pas, ou pire, était d'un ennnui sans commune mesure. La seule chose que cet ami a réussi à faire c'est de m'écarter, un de sa compagnie, nos chemins prenant des directions aussi opposées que la musique que nous écoutions, je découvrais le rock indépendant, deux du jazz pour au moins deux décennies, avec tout le mépris qui va avec.

Imaginez le poids que vous avez lorsque vous initiez quelqu'un à l'amour. Si vous êtes bon on revient vers vous, mieux, on en redemande. Si ce que vous proposez ne convient pas, on vous tourne les talons, ou pire vous suscitez des vocations de séminariste. C'est terrible quand on y pense. Je me souviens de quelqu'un très ardent, très avide d'essayer, et qui dans mes bras tremblait comme un animal farouche. La peur qui tétanise eût le dernier mot et je dûs interrompre mon entreprise pour ne pas aggraver le malaise. Peut-être me rappelais-je que jeune lycéen, je n'en menais pas large moi non plus et ne comprenais pas très bien le désir que j'éprouvais, ni celui que je suscitais. La curiosité étant plus forte sans doute, pour m'en sortir, je me laissai aller jusqu'au bout, la chair est faible.

Mais je m'écarte du sujet. Donc depuis, je suis très prudent quand il s'agit d'initier ou de conseiller un disque à quelqu'un. J'ai toujours peur de mal m'y prendre, d'ennuyer par un enthousiasme non partagé, de susciter des vocations de prêtres. Je ne fais plus que donner des pistes, à explorer si on veut aller plus loin...

Mais on parlait de jazz? Une piste.

mardi 27 juillet 2010

Quoi qu'on dise

On dira que j'étais parti en vacances. On dira j'avais besoin de prendre le large histoire de changer d'air. On dira que j'aurai fait un beau voyage, rencontré un tas de gens qui m'auraient ouvert les yeux. On dira que j'ai bien de la chance, une vie bien remplie, pas le temps de donner de nouvelles, c'est toujours mieux que de chercher à lui donner un sens devant un écran. On dira que tout ça m'a manqué mais que je n'ai eu ni la force ni le courage de pondre une ligne. Et que je n'ai cessé de vous lire, même si beaucoup ont abandonné l'aventure. On dira qu'il y a un truc qui cloche pour que je reste silencieux et prostré et surtout incapable de dire les mots justes. On dira que je vous ai épargné bien du fiel et des jérémiades. On dira que j'aurai été blessé, ou souffrant, comme vous voulez, c'est toujours mieux que malade. On dira que j'aurai pris des risques, voulu faire acte de bravoure, entrer en résistance. Que c'est bien beau mais que ça ne peut s'envisager qu'à court terme, si rien en soutien ne vient prendre le relai, c'est un jeu dangereux. On dira que la situation se tasse sans trouver son issue. Que la perspective du provisoire m'inquiète, sans que je n'aie vraiment le choix, ni du temps ni de ce qui génère mon angoisse. On dira que le plus important c'est d'avoir la paix, l'esprit dégagé, qu'il n'y a que de cette façon que je puisse avancer. Tout ça tient à peu de chose. Le bonheur, le malheur, tout ça est relatif et circonstanciel. Qu'on peut passer de l'un à l'autre comme on voit se lever les nuages bas avec la marée en fin de journée. On dira que rien ne sert à s'étendre sur le sujet. Que j'ai besoin de changer d'air, me changer les idées, de faire un beau voyage, de rencontrer un tas de gens qui m'ouvriraient les yeux, les oreilles, le coeur. Mais, encore convalescent, ce sera pour un peu plus tard. On dira que reprendre les choses où on les avait laissées: la course, la lecture, écouter et découvrir de nouvelles pistes musicales c'est déjà pas si mal.

vendredi 12 mars 2010

It's A Wonderful Life

Il faut un mort à nouveau pour me faire sortir du silence. La disparition de Mark Lindous de Sparklehorse me touche bien évidemment. Une de mes idoles, une de plus, qui abandonne, ne souhaite pas poursuivre le chemin. Alors que reste t'il. Des souvenirs qui refont surface.

Novembre 1995, un disque distribué au compte goutte en import, un disque pour le petit snobinard que je suis, un disque qui ne tarit pas les louanges, avec un titre à rallonge Vivadixiesubmarinetransmissionplot. Un type en fauteuil roulant, encore un. Cet album longtemps fantasmé, je ne le découvrirais que bien des années plus tard, car c'est avec It's A Wonderful Life, le troisième album que je suis entré dans l'univers de Mark Lindous en juin 2001. J'ai toujours une tendresse particulière pour ce disque que je n'ai pas réécouté depuis des lustres. Mais je sais que la force, la puissance et l'émotion seront restés intacts. Il y avait du beau monde, PJ Harvey, Tom Waits, Nina Persson des Cardigans. Donc je me suis mis en quête du reste de sa discographie à rebours.

Mais cette année là, Mark Lindous, en échange de bon procédé avait aussi produit le premier et un peu injustement oublié album de Nina Persson, paru sous le nom de A Camp, pour mieux brouiller les pistes. Nina Persson, chanteuse à succès au sein des Cardigans avec leur pop sucrée, apparaissait sous un nouveau jour, teinte en brune, ténébreuse, inquiétante, envoûtante, sorte de femme fatale. Au sein de ce projet, il y avait son mari Nathan Larson, gros espoir de la scène new yorkaise de la fin des années 90... dont on ne verra jamais rien publier ici, si ce n'est une bande originale pour un film First Love Last Rite, avec son groupe Shudder To Think. Je disgresse mais on trouve sur cette BO pas mal du tout, un certain Jeff Buckley, avec un de ses derniers titres publiés, le très Otis Redding I Want Someone Badly.

Quel méli-mélo. Tout se mélange. Je me plaisais à imaginer un point commun à tout ça, comment ce petit monde aurait bien pu se rencontrer, autour de quelques substances illicites, mais ce n'est que de la spéculation gratuite.

It's A Wonderful Life. En juin 2001, la vie commençait à redevenir calme et plus douce. Je venais de traverser une zone de turbulence et d'instabilité tant personnelle que professionnelle. J'allais enfin pouvoir enclencher un processus de simplification. Je revois ces belles après-midi de juin, le soleil, le sable, la serviette, les vagues au loin. La nudité complète des corps qui m'entouraient, moi parmi eux à présent.

It's A Wonderful Life. Ces jours dorés sont à présent révolus. Mark Lindous choisissant d'en finir d'une balle dans le coeur, moi sans le choisir me faisant happer dans le tourbillon, renouant bien que n'en voulant à aucun prix, avec une situation pour le moins inconfortable.

It's A Wonderful Life. Gold Day.