Time Fades Away

dimanche 31 août 2008

Le dernier mot

Sixième et dernier billet pour le mois. Je tenais à garder une cadence plus régulière, j'essaie de m'y tenir.
On va causer musique, ça faisait longtemps. J'ai retrouvé de la matière après avoir erré de longs mois. Rien n'arrivait complètement à me satisfaire. Il m'aura fallu renoncer et abandonner de vieux amis auxquels je me rattachais comme on se rattache un peu bêtement au nom d'une marque. Divorcer de certains qui ne me font plus ni chaud ni froid alors que je les vénérais il n'y a pas si longtemps encore. Curieux tout ça. Il a fallu chercher ailleurs, renouveler le cheptel. J'aurais l'occasion de développer dans les semaines qui viennent.


Puis il y a eu cette lutte féroce avec mon autoradio. Depuis plus d'un an ses caprices me tenaient, mine de rien, en otage, et je ne l'admettais pas. Je ne l'admettais pas puisque j'avais le dernier mot. Ok tu veux pas celui-ci, mais celui-là tu vas finir par l'avaler. Au bout de vingt minutes de lutte la musique finissait par arriver effaçant tous les efforts que je venais de déployer. Inutile de vous dire que tout cela était remis en cause dès que je coupais le moteur et qu'il fallait recommencer tout le cirque pour espérer entendre à nouveau une note des haut parleurs. J'étais parfaitement conscient que je ne maîtrisais pas totalement le choix de mes disques, mais rien n'était perdu tant qu'il arrivait à en jouer un, mais à quel prix!
Début juillet à l'occasion d'une panne qui me fit laisser la voiture au garage, je goûtais à la joie du prêt d'un véhicule neuf, en parfait état de fonctionnement. La situation ne pouvait plus durer, dès que je répurérais le miens, je me mis à faire le tour des casses automobiles afin de trouver le même autoradio d'origine... mais en état de marche. Depuis que j'ai effectué le remplacement, débarrassé de cette angoisse de ce que j'allais bien pouvoir écouter, ou qu'allait-il être accepté, comme libéré d'un poids, j'ai enfin pu me reconcentrer sur l'essentiel: les disques.

Publié cette semaine dans une édition limitée qui regroupe le premier EP Sun Giant et l'album, Fleet Foxes est la meilleure nouvelle de cette fin d'été. Un peu comme si My Morning Jacket était tombé en panne d'électricité. Vraiment ce disque est une petite merveille, un tableau de Bruegel pour la pochette, un classique qui postule déjà (enfin!) pour le palmarès de fin d'année.

mardi 26 août 2008

Rentrée littéraire - Suite

"Dans ce temps là, à tout ce qu'il disait, elle répondait avec admiration: "Vous, vous ne serez jamais comme tout le monde"; elle regardait sa longue tête un peu chauve, dont les gens qui connaissaient les succès de Swann pensaient: "Il n'est pas régulièrement beau, si vous voulez, mais il est chic: ce toupet, ce monocle, ce sourire!", et, plus curieuse peut-être de connaître ce qu'il était que désireuse d'être sa maîtresse, elle disait: "Si je pouvais savoir ce qu'il y a dans cette tête-là!" Maintenant, à toutes les paroles de Swann elle répondait d'un ton irrité, parfois indulgent: "Ah! tu ne seras donc jamais comme tout le monde!" Elle regardait cette tête qui n'était qu'un peu plus vieillie par le souci (mais dont maintenant tous pensaient, en vertu de cette même aptitude qui permet de découvrir les intentions d'un morceau symphonique dont on a lu le programme, et les ressemblances d'un enfant quand on connaît sa parenté: "Il n'est pas positivement laid si vous voulez, mais il est ridicule; ce monocle, ce toupet, ce sourire!", réalisant dans leur imagination suggestionnée la démarcation immatérielle qui sépare à quelques mois de distance une tête d'amant de coeur et une tête de cocu), elle disait: "Ah, si je pouvais changer, rendre raisonnable ce qu'il y a dans cette tête-là."

Marcel Proust - Du Côté De Chez Swann.

Il y a une bonne vingtaine d'année je l'attaquai ce même volume: "Longtemps je me suis couché de bonne heure" et tout le toin-toin, pour devoir abandonner quelques pages plus loin. Mieux armé aujourd'hui, j'entame La Recherche à nouveau et réussis à venir à bout du premier tome en combien, six mois en gros, je ne sais plus, pas si mal que ça tout bien considéré.

Swann s'ennuie dans le beau monde. Il tombe amoureux d'Odette, une demi-mondaine, une femme qui n'est pas de son rang. Il se fourvoie chez tout ce qu'il y a de plus bête et de petit bourgeois pour lui être agréable. Mais ce monde-là lui fermera aussi ses portes, le privant de celle pour laquelle il brûle. Elle ne se privant pas de s'ouvrir à d'autres.

Pourquoi et comment-on devient amoureux? Une attirance physique, un trait de caractère, une passion commune... Quelquechose d'inexplicable de toute façon. Tout est tellement beau au début, on ne ménage pas sa peine pour séduire, aimer, se sentir aimé. Puis de silences complices en petites divergances, de compromis tacites en petits désaccords, on se rend compte parfois que ce qui nous sépare est plus grand que ce qui nous unit. Qu'on n'a plus grand chose à se dire, ni à partager. Qu'on a laissé mourir le feu. Comment a-t'on pu laissé faire, sans s'en apercevoir, sans avoir agi à temps. Le décalage qui se creuse et s'installe sans que rien on ne fasse finit par avoir raison de tout.

Alors pour ce qui est de savoir si on est avec la bonne personne, contaminé que nous sommes cette idée romantique du prince charmant ou de la princesse! C'est une autre histoire. On peut aimer tant de personnes et devenir soi-même autant de personnalités différentes. N'importe qui pourrait, alors, faire l'affaire? S'il suffisait de savoir donner sans trop attendre et recevoir sans trop regarder, que tout cela serait simple et de si peu d'intérêt finalement.

lundi 25 août 2008

Rentrée littéraire

"Je viens de réussir un petit exploit: passé deux jours et deux nuits avec onze Maures et un mécanicien pour sauver un avion. Alertes diverses et graves. Pour la première fois, j'ai entendu siffler les balles sur ma tête. Je connais enfin ce que je suis dans cette ambiance-là: beaucoup plus calme que les Maures. Mais j'ai aussi compris, ce qui m'avait toujours étonné: pourquoi Platon (ou Aristote?) place le courage au dernier rang des vertus. Ce n'est pas fait de bien beaux sentiments: un peu de rage, un peu de vanité, beaucoup d'entêtement et un plaisir sportif vulgaire. Surtout l'exaltation de sa force physique qui n'a pourtant rien à y voir. On croise les bras sur sa chemise ouverte et on respire bien. C'est plutôt agréable. Quand ça se produit la nuit il s'y mêle le sentiment d'avoir fait une immense bêtise. Jamais plus je n'admirerai un homme qui ne serait que courageux."

Antoine de Saint-Exupéry. Extrait de la préface de Vol De Nuit par André Gide.

J'aime bien cette définition du courage. Y regardant de plus près et décortiquant un peu les choses, ce qui passe aux yeux des autres pour noble n'est pas toujours digne d'admiration. Tout n'est pas aussi beau que ça en a l'air.
Deux bouquins en un week-end. Oui, fini deux bouquins un exploit! On reviendra sur Proust ultérieurement. Pour ne pas me retrouver sonné, au bord du vide, j'aime bien entamer le suivant dans la foulée, et dans ce cas, après quelquechose d'aussi dense et long, rincer la barrique avec quelquechose de plus aéré et court, comme petit Folio de première catégorie, lu dans l'après-midi.
Je ne me souviens pas avoir lu Saint-Ex avant. C'est concis, précis, économe en vocabulaire et en sentiments que l'on s'applique à faire taire. Le devoir d'abord, le devoir. Et si malgré tout vous êtes tentés d'épencher le fardeau qui leste votre âme dans cette promiscuité masculine, auprès d'un de vos subordonnés au cou et aux épaules plus larges, on vous rappelle bien vite à l'ordre, avant même que vous n'y ayez pu y prendre goût. Non monsieur... Pas de ce pain-là ici.

dimanche 10 août 2008

La main au paquet




La main au paquet, enfin non, au ceinturon, les manches relevées, la chemise ouverte au deuxième bouton, les paupières tombantes, le cheveu tondu à ras, fumant le geste lascif le cigarillo, cool, sexy en diable, probablement une des ses plus belles photos, une de mes pochettes préferées, Live Songs, 1973. Des années que je ne l'avais pas écouté. Puis la semaine dernière j'ai ressorti deux trois albums, celui ci, New Skin For The Old Ceremony, Songs Of Love And Hate.


Tout a commencé ce mois de juillet 1991, j'ai passé de longues heures à lire ce très long entretien dans le numéro d'été des Inrockuptibles, un des plus long qu'ils aient jamais publié, avec Leonard Cohen. A tel point qu'on avait l'impression d'être avec lui dans un coffee shop au sud de Los Angeles, faisant ses emplètes à la sauvette, deux cravates, trois paires de chaussettes.. C'est avec cette compilation, I'm Your Fan, qui allait sortir deux mois plus tard, et dont longtemps je n'ai eu une copie que sur cassette, que j'ai passé de longs mois. Je n'avais pas encore cette consommation boulimique, peut-être sortait-ils moins d'albums tout simplement ou s'éparpillait-on moins à l'époque, je ne saurai dire. Oui cette compilation fut une référence des années durant, et mon ticket d'entrée dans l'univers du Perdant Magnifique.

vendredi 8 août 2008

Classement vertical


Cherry
Des oeufs, du sucre, de la farine, du beurre, du lait. Des bigarreaux avec le noyau. Un clafouti.


Cherry
Cherry je t'aime, cheery je t'adooore.
Mais il est bien court le temps des cerises
Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant...


Cherry
Cherry Tree. Juin 2004, The National offrent un dernier EP, un petit joyau, chez Talitres avant de signer chez Beggars Banquet. Today... About Today.

samedi 2 août 2008

Histoire belge - suite

Que faire à Bruxelles au plein coeur de l'été. Boire des mousses en terrasse au Fontainas où on trouve au bar un adonis tout droit sorti d'un tableau du Caravage. Après avoir arpenté la ville en long en large et en travers, on finit par trouver un disquaire d'occasion, puis deux... puis on les fait tous, le vice ressurgit. On se surprend même à faire un relevé de prix en prospectant. On ramène dans sa besace le premier Reggiani, et l'Album Blanc de Léo Ferré autrement appelé La Nuit ou L'Eté 68, selon.


A Bruxelles, on goûte les spécialités locales: la gaufre de Liège, les frites un'fois, le sandwich mitraillette, le pita feta, les chocolats de chez Godiva, une glace au caramel salé dans le quartier flamand chez un type qui propose des parfums incroyables: olive, marrakech... On y mange italien, thaïlandais et aussi japonais.
A Bruxelles on fait des expos. It's Only Rock'n'Roll, au Bozar, où on repère dans l'obscurité les canapés dans le fond de la pièce Brian Eno et on se laisse bercer par la nappe de synthé et les couleurs au fond qui varient doucement presque imperceptiblement. Puis le ticket que vous avez dans les mains vous glisse des doigts, il s'agirait pas de s'endormir. Fisherspooner propose un work in progress d'une chorégraphie projeté sur quatre murs assez amusante. Et c'est tout en gros. Dans un autre registre, plus classique, il y a The Royal British Collection, avec Bruegel, Van Dyck, Rubens...
Puis quand il fait beau à Bruxelles, on prend le train, faire un tour à Bruges, marcher dans les rues, le long de canaux. Croiser du touriste français se plaignant des guides et de leur humour un peu lourd: "de l'humour belge sans doute". Le point de vue est magnifique, en haut du beffroi, du haut de ses trois cents et quelques marches et de ses quatre-vingt huit mètres. La montée et la descente mettent à rude épreuve les petits cuisseaux. On pique un peu du nez sur le chemin du retour.


Un grand merci pour tout à Gérald et à Bruno.