Time Fades Away

samedi 18 août 2007

Tropismes

"Ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience, ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir. Ils (...) me paraissent constituer la source secrète de nos existence.
Comme, tandis que nous accomplissons ces mouvements, aucun mot - pas même les mots du monologue intérieur - ne les exprime, car ils se développent en nous avec une rapidité extrême, sans que nous percevions clairement ce qu'ils sont, produisant en nous des sensations souvent très intenses, mais brèves, il n'était pas possible de les communiquer au lecteur que par des images qui en donnent des équivalents et lui fassent éprouver des sensations analogues. (...)
Leur déploiement constitue de véritables drames qui se dissimulent derrière les conversations les plus banales, les gestes les plus quotidiens. Ils débouchent à tout moment sur ces apparences qui à la fois les masquent et les révèlent. (...)
Les tropismes ont continué à être la substance vivante de tous mes livres. Seulement ils se sont déployés davantage: l'action dramatique qu'ils constituent s'est allongée, et aussi s'est compliqué ce jeu constant entre eux et ces apparences, ces lieux communs sur lesquels ils débouchent au dehors: nos conversations, le caractère que nous paraissons avoir, ces personnages que nous sommes les uns aux yeux des autres, les sentiments que nous décelons chez autrui, et cette action dramatique superficielle, constituée par l'intrigue, qui n'est qu'une grille conventionnelle que nous appliquons sur la vie."

Nathalie Sarraute L'Ere Du Soupçon 1956

Comme ce tremblement de la lèvre et ce trouble qui est passé dans ton regard quand je t'ai annoncé que j'avais réussi mes épreuves. Comme ce regard perçant et inquisiteur qui m'a foudroyé quand tu es rentrée ce soir là et que, sans un mot, j'ai compris que je n'étais plus le bienvenu et que c'était fini entre nous. Comme quand je m'entends dire que si je prenais la parole ça serait peut-être intéressant. Comme cette tête qui se tourne au moment de me tendre la main pour me saluer. Comme cette lueur qui s'éteint au fur et à mesure que la conversation avance. Comme l'étincelle qui illumine ton regard, alors que je viens de tourner la clef dans la serrure et que je te surprends déjà au lit.

Je me souviens, je me rappelle, ces gestes, ces signes, ces phrases, ces mots, tout ça gravé au fond de ma mémoire et qui ressurgissent de temps à autre avec la même intensité, la même violence. Je me souviens, je me rappelle Martereau, Le Planétarium, Les Fruits D'or et la sensation d'être dans le vrai quand je les lisais. Je me souviens, je me rappelle, un album, poignant, sur le fil du rasoir, qui me poursuit et me hante toujours.

4 commentaires:

Arty a dit…

Juste un mot : " Wow !!!"
:)

Noboru Wataya a dit…

oué, je confirme: waw. l'ami apothicaire a le don de la formule écrite. des bises, poulette.

Solitary Man a dit…

Nat>
En deux mots: ah ouais??

Noboru>
Et le don de régler quelques comptes (arf arf arf!!)

Les filles>
Merci. Mais je n'ai jamais fait que recopier une page de la préface d'un bouquin de Nathalie Sarraute, qui, elle, dit et écrit des trucs biens plus chiadés. Si je vous ai donné envie de vous (re)plonger dans son oeuvre c'est déjà beaucoup!!

Noboru Wataya a dit…

beh les bons comptes... ;-)

ça devrait beaucoup te plaire I&W, chus supercontent que tu y ailles voir parce que je l'a-do-re, sam beam.