Time Fades Away

dimanche 18 novembre 2007

When it's good sure is good

La salle s'est levée comme un seul homme. Nous étions assis jusqu'alors, chose plutôt rare pour un concert, et depuis une bonne heure et demi, nous encaissions. Et alors qu'il quittait la scène, nous applaudissions à tout rompre, biens décidés à ne pas en rester là. Nous étions assis, tout comme lui, tout comme ses deux guitaristes, son batteur. Seuls son bassiste et sa violoniste ont joué debout. La formation était déployée en arc de cercle, et il était côté cour. Puis il est revenu, chaleureusement rappelé, nous nous sommes rassis. Lui l'était toujours, assis, engoncé, tout voûté dans son fauteuil roulant, la guitare en bandoulière non pas avec une sangle, mais un simple bout de corde. Il avait un bonnet vissé sur la tête qui surlignait ses paupières gonflées, ses yeux bridés par quelque probable artifice. L'homme ne tient pas en place, gigote sans cesse, a du mal à contrôler certains gestes de son bras gauche, il doit souffrir. Il tient son plectre entre le pouce et l'index de sa main droite, ses autres doigts sont morts. Cela n'affecte en rien la musique qui sort du pincement des cordes de nylon.

Le groupe, la bande du Thee Silver Mt. Zion, a mis en place les instruments. Lui est arrivé, sur la pointe des pieds, si j'ose dire, préparer son coin et dès que tout le monde était prêt, les lumières se sont éteintes. Ça a commencé doucement puis la tension est montée crescendo au fil des titres. Le dernier album North Star Deserter y est passé tout entier. Cela faisait longtemps que je n'avais ressenti quelque chose d'aussi intense, ni pareille émotion lors d'une prestation scénique, le frisson me parcourant régulièrement les bras puis le dos, les coups portés sur la grosse caisse me résonnant dans le corps tout entier, la respiration profonde parce que coupée, vidé, comme si, bien qu'assis, j'avais couru dix kilomètres.

Nous debout à la fin, lui assis à nous saluer, d'un mouvement de la tête, visiblement satisfait de ce qu'il nous avait donné et de ce qu'on lui procurait en retour à cet instant. Il s'est passé quelques chose, un fluide magique entre le groupe, une alchimie parfaite, une osmose totale entre la scène et nous spectateurs. Vic Chesnutt se produisait à La Cigale, ce 13 novembre. C'est Ruby Tuesday, classique stonien, qui a conclu le set, précédé d'Over dont quelques mots résument bien ce qui s'est passé:

"When it's good sure is good
Yes and when it's good it's great
When it's great it's oh so wonderful
But when it ain't it ain't."


Un extrait, dix jours plus tôt à Munich.

Après ces quelques heures hors du temps, la vie continuait au dehors. Le froid commençait à gagner le boulevard Rochechouart et les rues de Pigalle illiminées de leurs néons chamarrés. Les trains avaient cessé de circuler. Je passerai sous silence la première partie, aussi prestigieuse fût elle prestigieuse, Okkervil River, qui a pourtant livré un prestation honnête, épaulés d'un fan-club enthousiaste, mais bien terne et fade à côté de ce qui a suivi.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Donc en fait j'aurai dû venir quoi en gros...

Solitary Man a dit…

Ben, en gros, je crois...
A vrai dire quand j'ai pris le billet, je n'attendais pas trop grand chose. A part que je n'avais pas Vic Chesnutt à mon tableau de chasse. Et les chansons de North Star Deserter ont pris leur relief, sur scène, ce soir là.
Je le reécoute depuis d'une autre façon.

Noboru Wataya a dit…

moi j'ai à peine écouté Chestnutt. un ou deux albums. mais j'ai beaucoup chanté Guilty by association, qui me paralysait.
welcomome poulette!

Solitary Man a dit…

Nob Wat>
"Paralysait"
Tu as trouvé ,humm, le mot juste.

Noboru Wataya a dit…

oups. ouais. stait un peu infortuné ce choix de mots.